La chasse mondiale d’Erdogan

Enver Robelli @enver_robelli, éditeur international, sur la persécution des critiqueurs d’Erdogan. Vendredi 30 juin 2017 00:04
Le bras long de l’autocrate turc atteint les salles de classe en Suisse. Avec sa rage aveugle, Recep Tayyip Erdogan veut mettre fin aux prétendus disciples du prédicateur Fethullah Gülen et faire taire les critiques. Ici également, à Zurich, les menaces ont un effet : une école doit fermer parce que les parents n’envoient plus leurs enfants à l’école par crainte de mesures répressives de la part des autorités turques.
Depuis la tentative de coup d’Etat il y a un an, Erdogan a mis en place un réseau d’informateurs. Cela fait du dénoncement une question de responsabilité de l’État. Les Turcs ne devraient plus être autorisés à parler, et l’éloge du président est souhaité. Sa chasse est devenue mondiale et dangereuse : les gardes du corps d’Erdogan ont battu des manifestants kurdes à Washington, en Allemagne les services secrets turcs recueillent des informations sur les parlementaires allemands, les diplomates demandent aux Turcs étrangers de dénoncer leurs compatriotes qui insultent le « président honoré ».
L’Occident – et dont la Suisse – a jusqu’ici hésité à montrer les lignes rouges à Ankara. La raison en est évidente : dans la crise des réfugiés, Erdogan se considère comme prenant le dessus ; il a déjà menacé d’ouvrir les frontières afin de réorienter tous les migrants vers l’UE. Cette menace doit être prise au sérieux, mais l’Occident ne doit pas se cacher devant Erdogan et lui permettre d’apporter le conflit intra-turc en Europe.
Le gouvernement allemand a enfin donné l’exemple en interdisant les apparitions d’Erdogan pendant la campagne électorale. Le chef de l’Etat turc a voulu profiter de sa présence au sommet du G-20 à Hambourg pour parler également à ses compatriotes. La motivation d’Erdogan est facile à comprendre : il a besoin des voix de la diaspora pour les élections de 2019 afin de pouvoir exercer le pouvoir absolu qu’une étroite majorité de Turcs lui a confié lors du référendum constitutionnel d’avril. Berlin n’y participe plus. La Suisse devrait agir de la même manière, car Erdogan ne veut pas seulement s’immiscer dans la vie scolaire quotidienne, mais aussi mettre tous les Turcs de l’étranger sous sa coupe
Quelle: www.tagesanzeiger.ch